La première nuit qui suivi fut terrible!

Tandis que mon épouse dormait du repos paisible de celle qui a trouvé la sérénité, je me souviens avoir regardé le plafond de nombreuses heures sans pouvoir trouver le sommeil…

Les bras croisés derrière la tête, je fixais la voute comme si j’y cherchais une piste

Puis la fatigue aidant, je commençais à halluciner et je vis les quelques notes que j’avais prise l’après-midi, s’envoler et venir se coller au plafond, comme entrainées par un énorme courant d’air.

Les feuilles se mélangeaient et les lignes écrites se mirent soudain à bouger toutes seules et sortir du cadre du papier pour aller se confondre avec les fissures et autres défauts de peinture.

J’eu l’impression qu’elle tentaient de se rassembler à la verticale de mon champ de vision et tentaient de former un mot.

Deux en fait

Lâche- prise!

Comme je ne comprenais absolument pas ce que cela venait faire ici et qu’en plus même si j’avais une idée de ce dont il s’agissait; il est insensé de donner un quelconque crédit au fruit d’une hallucination d’insomniaque!

Je me tournai vers l’extérieur du lit…

Il est une phase particulière des agrypnies ou même épuisé, il est impossible de fermer l’œil comme si les nerfs, agissant comme autant de ficelles, prenaient un malin plaisir à maintenir les paupières ouvertes.

Les yeux écarquillés donc, je n’arrivais pas à détacher mon regard, mais du mur en face de moi cette fois.

L’obscurité a ceci d’intéressant qu’elle adoucit la profondeur des objets et en attenue les contrastes.

Les moindres objets deviennent alors des agglomérats de formes, qui, l’imagination et une vision nocturne altérée aidant, donnent naissance a des choses qui nous semblent familières mais pourtant n’ont rien à faire à l’endroit où elles se trouvent présentement

Ce qui nous voyons alors révélant peut-être ainsi les pensées les plus intérieures.

Les cauchemars ne sont après tout que des rêves un peu compliqués.

Toujours est-il, que le miroir de la chambre, par un jeu subtil de clair de lune entrant par les rideaux se reflétait sur la commode et les habits de la veille qui s’y amoncelaient.

Je crus y voir un gars me ressemblant légèrement avec un blouson de cuir, les mains sur les hanches.

Il me sourit…sarcastique

Et me fit un clin d’œil.

Ce clin d’œil suffit à déclencher un coup de stress!

Je commençais à transpirer, à haleter aussi un peu, trouvant ma cage thoracique un peu à l’étroit tout d’un coup

Je commençais une crise d’angoisse

Même si au fond de moi j’étais sûr d’avoir pris la bonne décision, j’eu soudain la peur de me planter.

Je voulais réussir à tout prix

Alors paralysé dans mon lit à 3 heures du matin, en nage…fuyant un regard imaginaire de mon double endiablé qui était en train de me questionner sans répit:

Et si…

Et si ça ne marchait pas?

Et si l’herbe n’était pas en fait plus verte ailleurs?

Et si tout cela n’était que le fruit d’une illusion?

Et si nous courions en fait après des chimères?

Et si j’essayais plutôt de m’adapter, de mordre sur ma chique, et j’attendais patiemment que ça passe…quitte à faire l’impasse sur certaines de mes valeurs?

Car ce que nous vivions aujourd’hui bien sûr sera diffèrent demain.

Ça ira mieux dans quelques années, c’est sur!

C’est toujours comme cela que ça se passe!

Oui mais d’ici-là?

Bah…on s’arrangera!

On fera des compromis…

Quitte à y perdre un peu de notre identité…

Perdre un peu de notre identité !

Comment mon esprit ait pu imaginer que cela pouvait être une option!

Je compris que cette crise d’anxiété apparu car je ne me donnais pas le droit à l’erreur.

Je me demandais ce que diraient mes parents, mes amis, mes voisins, si on n’y arrivait pas?

Comment leur annoncer aussi que le projet n’a pas abouti?

C’est sûr ils nous attendraient au tournant

Je les imaginais dans 2 ans:

  • Ah tu vois, j’te l’avais dit!

Je refusais de m’imaginer retournant la tête basse dans ce bahut, le jour des inscriptions dans 3 ans, regardant mes chaussures pour ne pas voir le sourire narquois du directeur me renvoyant à mon échec

J’avais l’impression de sauter d’un avion en parachute sans certitude qu’il va s’ouvrir à temps…

Cette peur de l’inconnu

Mais ce projet m’excitait aussi…

Cette même petite voix me disait aussi que j’avais tout à y gagner:

Une vie alignée

Une vie harmonieuse

Je me voyais en famille d’ici quelques années, mon épouse et moi-même faisant le boulot de nos rêves tout en étant en accord avec nos convictions.

J’entendais les cris de joie des enfants heureux, réussissant leur parcours scolaire, épanouis, s’impliquant dans différents projets sociaux et excellant dans leur passion, qui du sport ou d’un art.

Je me voyais serrant mon épouse contre mon épaule regardant en souriant, le cœur rempli de fierté ces enfants devenus des adolescents, responsables, impliques et heureux

Je sentais aussi déjà les odeurs des saisons, un été de 6 mois, un printemps fleurissant et chatoyant, théâtre de randonnees dans paysages couper le souffle

Je compris alors en fait que ce qui m’angoissait était moins la peur de l’échec que celle de l’inconnu.

Une peur surtout de l’état de transition

J’anticipais l’angoisse du moment où j’allais serrer mes parents dans mes bras, la boule au ventre avant de prendre l’avion

Ou les éclats de larmes des enfants en se séparant de leur copains.

Mais en fait, une fois arrivé de l’autre cote, la joie d’avoir accompli quelque chose de grand…tout le moins le premier pas,

La tête entièrement consacrée la découverte de ces nouvelles sensations, et aux moyens de s’y adapter, il n’y aurait pas de place pour la nostalgie ou les regrets.

Ces angoisses feront place alors à une euphorie du nouveau et le tourbillon de la routine fera vite oublier la tristesse   pour laisser la place aux souvenirs

La certitude profonde que, ce tunnel de l’incertitude franchi, la lumière est belle!

Comme cette lumière de l’aube pointant d’un coup dans la chambre à travers les rideaux, faisant disparaitre par la même occasion mon imposteur qui reprit alors sa forme de pile de linge.

 

C’est à ce moment que le sommeil se décida finalement à entrer lui aussi.

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